La petite musique du vélo
Non, je ne vais pas encore parler des musiques d'influenceurs dans les vidéos de vélo (même si je trouve que c'est un sujet passionnant).
Cela fait 2 mois que je rate ma newsletter mensuel, la faute à Paris-Roubaix, et à un super dossier de l’Equipe sur l’influence des “Papas” dans le cyclisme (ici avec Adrien Petit, très touchant). Je voulais faire ma newsletter d’Octobre justement sur l’influence des darons dans nos pratiques pour dire que mon daron à moi était surtout “un fan” et, habitant Compiègne, on allait à la présentation des coureurs et il m’envoyait chercher les autographes qu’il annotait et rangeait dans “mon” classeur. Le dossier de l’équipe m’a coupé l’herbe sous le pied, tant il était complet sur l’aspect psychologique, transmission, je n’avais rien à ajouter du coup à part mon narcissisme. Et ça m’a foutu un coup, j’avoue. Je me garde ces histoires pour son oraison funèbre. Cela ne fera pleurer que moi.
Je ne suis pas sportif
Ce mois-ci, c’est la conversation avec une collègue qui m’a fait tilt. Elle a dit “mais toi ça se voit, tu es sportif”. Ok. “Cela se voit à ta posture, à tes jambes”. Oui je mets des skinny justement car j’ai des putains de cuisses, elles sont trop belles. Et je lui ai dit “je ne suis pas sportif”. Enfin, si, statistiquement je le suis. Mais c’est par hasard que j’en ai le physique. Si on prend mon kilométrage annuel ou ma part de budget annuel pour changer ces freins de merde, qu’on le met à côté de mes collègues ou dans une moyenne de la population, je suis sportif. Mais mentalement, je ne le suis pas. Le sportif dans mon imaginaire, je suis un gros con qui a plein de stéréotype, c’est le mec qui sort avec Brittany dans Daria, “sa va bb”, c’est les bros en STAPS lors des “zinzins” (soirée étudiante d’Amiens) au Lipstick club, c’est le mec que tu vois pas le midi, c’est le mec qu’a toujours une compet’, qui vient te raconter qu’il a failli vomir en montant j’sais pas quoi. ^o^ Je n’en ai rien à branler ^o^. Je ne suis pas sportif, je suis de la famille des “nerdz”, j’ai sauté mon ce1 puis redoublé ma 2nde mais physiquement je me suis toujours fait “vicoss”, comme un éternel 6ème, par mes pairs lors des cours d’EPS et je ne pratiquais aucun sport sauf ces cours de l’enfer - ok j’allais au lycée à vélo et partager un kebab en forêt de Compiègne à 17h45 est une expérience sportive en soit. Ma vie a toujours été d’épuiser des disques et des MMORPG jusqu’à trouver un CDI et épuiser mon épouse. Mes enfants. Et vous, ici, désormais. La pratique du sport me passionne moins que le public au bord de la route ou que la dépression de mes héros enfantins ou que le procès du “Docteur Mabuse” ou que les disques qu’écoute Maghalie Rochette, avec son chien et son gars, pour se rendre en Europe et faire des TOP15 en Coupe du Monde de Cyclocross, souvent première non néerlandaise avec sa comparse nord-américaine Clara Hosinger. Je suis du côté des fans qui ont les bras dans le dos et disent des trucs sur les classements et les résultats récents car c’est ce que mon daron m’a transmis. Je ne suis pas sur le vélo.
Je suis sportif
Zwift l’a bien compris car ils mettent des gars comme moi dans leur photo à côté de MVDP pour me faire payer l’abo et… abandonner au milieu ? Je suis la putain de cible. Sauf que je finis mes programmes et je préfère manger de bonnes sessions de Sufferfest (devenu wahoo SYSTM). Je tape des velotaff de 60 bornes a/r 3 jours sur 5 travaillés (avec une longue sortie ici et là le week-end - même si ça fait longtemps là), je fais ça alors que même les gars qui tapent des iron man dans mon open space (ils sont 3-4 dans le building) ne le font car ils ne sont pas cons à se fatiguer dans le vent : ils sont sportifs ! Je tape un ou deux ou trois… ou quatre… bons cols par an l’été avec en cible un meilleur temps que le précédent. Je suis taré de vélo, oui. Mais pourquoi finalement ? L’aventure c’est pas ouf, la communauté vélo ? ils sont un peu cons et font trop les beaux, font trop les sportifs… Les vélotaffeurs ? lol, les ultras ? J’en ai rien à foutre de ton exploit, j’veux dire… il “suffit” de le faire, il “suffit” d’y aller, de payer la cotiz et de pédaler, dormir, recommencer : je n’ai aucun feu intérieur quand on me parle de ces évènements toujours plus commerciaux - et la posture de chier dessus va plus me rapporter socialement, à moyen terme, sans ternir mon amour du vélo. Pas d’esprit communautaire, pas d’esprit sportif, je suis souvent là à me demander ce qui m’anime alors. Dans mes stories instagram, je parlais une fois de ce retour à l’enfance, un retour à la naïveté des premiers tours de roue.
Une espèce de fuite en avant pour ne jamais foutre le bicross à la cave, ne jamais rouiller. Peut-être un peu de ça, mais je crois que ça ne suffit pas : être un enfant toute sa vie oui mais Michael Jackson ne s’est jamais mangé 500 bornes entre le 24 et le 31. Il y a autre chose qu’un badge Strava pour remplir cette fêlure.
De l’ordre de la musique
Ce que j’aime n’est pas forcément racontable alors que c’est un sentiment plutôt universel, je pense. C’est certainement le truc le plus plat que vous allez lire sur le vélo. Mais j’ai l’impression que c’est mon devoir de le remettre et de le remettre et de le reremettre toujours en avant, chaque putain de jours. J’aime… toute la partition du vélo. Cette petite musique du vélo dont on ne parle vraiment jamais mais dont on parle toujours. Elle m’habite. La petite musique n’est jamais la même alors qu’il n y’a pas tant de notes que ça. Il y a des principes forts très proche du concerto, d’un opéra, de chef d’orchestre. Je ne sais pas décrire ce que j’aime dans les musiques électroniques par exemple, parfois c’est le funk qui se dégage, parfois c’est le côté industriel, l’hypnose de la répétition, une autre fois c’est la rupture - drop the bass ! Vous avez compris ici l’analogie. Le vélo a ceci de similaire que l’on connait tous ses effets, qu’on a une table des matières des effets à se mettre dans la gueule quand on veut mais que l’on peut les doser autant à sa guise : comme le jazz et ses motifs, cela s’écoute en club ou dans son fauteuil, et ce n’est pas la même approche corporelle, le même partage. Comme on roule sur ses routes ou que l’on roule sur une nouvelle trace donnée par un copain, ce même copain propose une musique et l’on entend peut-être autre chose. La fragmentation infinie d’une expérience pourtant similaire, ça me fume désolé. Cette expression, de sa petite musique, n’est pas assez valorisée dans nos pratiques cycliste là où les chemins de rando sont pourtant “copyrightés” et promettent justement une musique qui a été réfléchi et proposé aux randonneurs - je ne dis pas qu’il faut faire ça. La créativité d’une trace, la petite musique d’une sortie, est souvent exprimée autrement que par sa propre musicalité. Un commentaire strava, un long blogpost. J’avoue : On ne devrait rien en dire. Un paradoxe, pour moi… Je parle beaucoup, j’ai une newsletter qui parle de vélo quoi, mais, au fond, qu’ai-je à raconter de plus que : écoute, je te passe le cd (le gpx) et je te laisse découvrir. C’est compliqué pour moi de parler de ma sortie car elle me revient comme un air subtile, ça a sonné “comme ça”, “c’est de l’eau” hein, David Foster Wallace. “J’en ai chié”, “c’était facile”, oui ok, mais pourquoi ne retenir que certains mouvements, comme un sportif qui veut progresser - je ne suis pas sportif ; quand l’ensemble du mouvement était juste à vivre et n’a pas forcément besoin d’être autre chose que ce vécu. C’est dans ce genre de terrain glissant intellectuel qu’un cadre supérieur peut tomber dans un mouvement sectaire j’avoue.
En fait, c’est important, le cyclisme est le seul “sport” où je suis capable de contrôler cette petite musique comme un DJ, comme le programmateur radio indéboulonnable. Si un sportif vous dit de faire un exercice '“vo2max” (généralement l’effort entre 4 et 10mn), je vous dirais “tiens, ça, c’est comme un morceau de techno de detroit”, cet exercice se structure vraiment de la même façon pour moi. On vit la petite musique de Filippo Ganna et de DJ Rolando alors qu’on est Philippe, assureur dans l’agence Gan, qui fait du vélo le dimanche matin avec Roland. J’y vois dans un exo de vo2max ces violons qui viennent et disparaissent et accompagnent jusqu’à se fatiguer - notre souffle ; sans jamais écraser la basse et le kick - notre cadence de pédalage. Ce sera une toute autre musique pour vous.
Visuellement aussi, il y a une petite musique qui se dessine dans le profil de nos sorties. Le spectre audio n’est qu’une étape du tour à avaler ou un exercice de home trainer à clôturer (je crois avoir déjà fait cette analogie)
La petite musique le matin, quand je commence à ressentir les bagnoles, la boule au ventre de finir sous le camtar, même cette musique me plait, elle a tellement de facettes que j’ai de quoi pourrir vos boites mails pendant 10 ans - si j’ai moins la flemme d’écrire. Cette petite musique putain j’en suis accro et tu me fous sur un aviron je ne l’entends pas, je meurs, et tu me fous avec une paire de sket dans la forêt j’ai juste le genou qui gueule comme un concert raté, même si j’aime la boue, oh putain et dans une salle : je passerai ma vie à regarder les gens, chercher les habitus, j’aime cette musique aussi hein mais tu ne verras pas claquer mon rpm de compet’. Je préfère la petite musique là, interne, ce rythme là, tu pédales et t’es déjà là, ouais là, t’as fait 20 km, t’as fait aucun effort ou t’as fait 20 km t’es fini sans avoir pu écouter la piste cachée, bordel, je ne suis pas sportif mais cette petite musique, elle m’anime chaque putain de jour à tel point que mon épouse, mes enfants, savent quand je n’ai pas fait de vélos, elle me le dit “oh toi, t’as pas eu ta petite musique”. L’enfant a besoin de s’endormir avec sa berceuse.
La rétro Sur Le Raidard
Pas de rétro encore car je ne regarde rien sauf le Cyclo Cross chaque semaine, je pourrais vous parler du circuit féminin là. C’est génial ce qu’il se passe dans le cyclocross féminin, c’est mieux que l’univers Marvel, tu choisis ta préférée et tu vis une saison de dingue. Bon ok, il y a beaucoup trop de néerlandaises mais justement ! Tout va changer ! Moi ma préférée ? c’est Denise Betsema que j’adore : elle a été choppée pour dope, elle est maman, elle vit sur une ile (Texel), c’est absolument génial de la voir courir, j’adore son style, sa petite main qui salue la foule quand elle fait podium et sa natte parfaite - elles nattent toutes leurs cheveux parfaitement. Elle a un côté voisine de camping dans les Landes qui la rend admirable aussi mais on sort du sportif là, on entre dans la romance, la fan fiction. D’autres préféreront le style plus en puissance de Lucinda Brand, la reine de la discipline en ce moment, d’autres adorent Ceylin del Carmen Alvarado : c’est la petite star depuis 2019 mais cette année elle est un peu en dedans, en revanche elle a un style parfait pour les sponsors, sorte de miroir féminin à MVDP avec une histoire beaucoup plus belle à raconter. C’est pour ça, qu’on a hâte de suivre la saison : vont-elles réussir à piéger Brand pour le maillot Arc-en-Ciel ? Surtout que les jeunes défoncent tout : retenez Blanka Kata Vas, c’est la future star si ce n’est pas déjà la star actuelle. Une non-néerlandaise en plus ! A tel point que le commentaire Eurosport abuse du mot “magyar”. Je ne vous parle pas des brits qui ont signé dans les teams belges comme Anna Kay qui gagnent les C2 - hein les C2 après avoir fait une vilaine chute en début de saison. Bref ce sera peut-être l’objet d’une newsletter à part entière : le circuit féminin de cyclocross est incroyable à suivre et je ne peux que vous le recommander.
Les liens Sur Le Raidard
Louer un vélo au Japon, bon j’avoue c’est ma marotte le vélo au japon, il y a un lien par news, mais j’adore ce genre de guide parfait pour Google. Et je me dis si jamais j’ai assez de thunes pour m’envoyer 2 semaines sur l’archipel, est-ce que je louerai un vélo en faisant chier toute la famille pour visiter le Kansai ? (oui)
Mieux que le Japon ? Le Nigeria. Les Bikaholics of Lagos vous attendent pour des rides qui marqueront votre vie à coup sûr (Checkez les storyz). Le gilet, il le faut non ?
Cette newsletter est certifiée premier jet, sans relecture. Désolé pour la gène occasionnée.