Watopia, Bikepacking, coronapistes : quelle utopie cyclable ?
Le SARS-COV-19 a cassé quelques utopies pour en créer d'autres. Et c'est beau la vie comme il dit Bernard Tapie. feat. Doc Gyneco. Lesquelles survivront ? Toutes si on s'entend bien. C'est pas gagné.
Watopia is for la famille
Avons-nous vraiment envie de vivre notre vélo sur Watopia ? C’est comme cela que se nomment certaines routes virtuelles dans Zwift. Watopia : une utopie dédiée au watt, ça semble annoncer la couleur. Pourtant, malgré les pubs, malgré les courses et Weapon of Choice de Fatboy Slim, malgré Matthieu Van Der Poel qui fait du “fractionné sur terre” car c’est un “fonceur” (sic de ouf), Zwift n’est pas qu’un repère de dingues de watt, fana de l’entrainement précis et pointilleux avec les jambes rasées. Paradoxalement, vis à vis de ses campagnes, il est de toutes les plateformes de “vélo indoor” la plus pépère friendly. Ses plans d’entrainement sont assez généraux et ludiques - à tel point qu’un gros nerd comme moi a basculé sur Sufferfest ; son univers graphique tend plus vers le rétro-futuriste-ironique que l’élitisme performance serious bouche fermée - on grimpe des routes translucides, un T-Rex traverse la route, tu portes un jersey Z etc. Et même si ce n’est pas la panacée à côté des standards du MMORPG, c’est surtout grâce à sa dimension sociale et son objectif “plug & play” que la plateforme attire un public plus féminin, et aussi plus âgé, que la pratique sur route elle même. Le meilleur symbole reste la communauté très active autour de “Elles font du vélo”, plutôt pionnières dans les rendez-vous groupés sur la plateforme, parfaitement illustrée par les aventures régulières de “Vélizienne” aka “Maman Zwift” sur sa page facebook. Watopia offre en fait un espace où l’on peut esquiver autant les bagnoles que les gros cons qui font du vélo, un univers et une promesse qui ne sont même pas donnés à la… réalité et que Zwift oublie un peu dans sa campagne.
La principale feature qui fait de cette plateforme un univers important réside évidemment dans ses meet up et dans la façon dont on peut les configurer : si l’on aime les balades avec les copains et les copines tranquillou où on s’attend au pied des côtes, on aime aussi “toucher du doigt le sport pro” et il y a un système très malin où l’on peut suivre un “entrainement de pro” (ou une ascension d’un col de “fonceur”) avec nos propres données et intensités tout en restant dans le peloton. Tant qu’on pédale, l’avatar est physiquement stické dans la roue de quelqu’un qui fera le même exercice adapté à son intensité. Ce service est un “game changer” dans la façon dont les sponsors et les coureurs peuvent faire vivre le vélo et toucher son public sans être obligé d’être physiquement avec ces “pleutres qui ne font que nous déranger à demander un bidon ou un autographe là”. Dans le monde après covid, ce genre d’évènements et d’entrainements peut compter en connectant salles de sport, services courses et bureaux des sponsors sur un rendez-vous ludique et peu cher à mettre en place. Zwift n’en a pas idée ?
Des sacoches et des barbes
L’ironie de 2020 c’est que le bikepacking en plein boom s’est pris un immense tacle covidien à la jugulaire. L’utopie bikepacking s’est pourtant retrouvée renforcée. Il suffit d’enfourcher son vélo et d’aller quelque part : un petit délire devenu réellement vital. C’est donné à tout le monde et ne dépend d’aucune préparation, ça peut se faire à son rythme en famille, tout seul, avec des potes, de camping à camping, d’hôtel à hôtel, d’airbnb à airbnb aussi, chacun a son truc, son idée, son autonomie, sa trace, ses envies. Les services de cartographie comme komoot (ou en strava premium) trouvent des routes incroyables, ils sont devenus les druides qui guident à travers les forêts et les champs. Ceci dit… on peut presque remercier cette pandémie : si on se réjouit d’un sport all inclusive, la proposition ultra concurrentielle de “gravel adventure ultra man” à 150 balles toutes les 3 semaines, accompagnée d’vieux gars qui se plaignent que leurs cuissards à 200 boules… boulochent, et que le vélo soit un peu sali pour la photo panoramique instagram, montraient déjà des premiers signes d’essoufflement. Ces comportements de divas avaient eu la chance d’être mis symboliquement entre parenthèse par “les belles histoires” comme Fiona Kolbinger et sa victoire lors de la Transcontinental Race ou aussi Lael Wilcox avec son doc I Just Want To Ride ; arbre cachant une forêt un peu crade et donnant bonne conscience à ce même public. Le business est déjà crade et j’en oublierai presque les “dot stalker” - le doc de Lael Wilcox montre cette gabegie : des fans suivent le point gps sur des sites dédiés, rien de fou jusque là pourquoi pas, mais se mettent à téléphoner aux refuges pour prendre des nouvelles des points qui ne bougent pas, harcelant presque les tenanciers. Pour finir, à titre personnel, se priver de sommeil en poussant son vélo dans des montagnes encailloutées, avant de se prendre un camtar et une batterie d’hommage de la commu’, si soudée, n’est pas une source d’inspiration folle dans ma pratique du vélo et j’ose espérer que cela ne deviendra jamais le mètre-mètre de la pratique cyclopédique. En réalité, le bikepacking, dans son utopie postcovid, devrait surtout profiter à la FF Vélo ou à l’Audax Club Parisien et leurs brevets : le milieu associatif autour du vélo est celui qui nous protégera des évènements commerciaux “gravel adventure ultra man” suscités mais aussi des délires “mutilatoires” de trentenaires barbus en recherche d’aventures. Cadrés, organisés et dans une démarche bienveillante, les assoc et nos boomers ont déjà ce temps d’avance qui n’a pas besoin d’être construit, il suffit juste de payer la petite cotiz annuel ou les 5 balles du brevet pour le quatre-quart et la ration de pâte puis objectif : Paris Brest Paris 2023 !
La coronapiste, le combat final
Finalement la seule utopie vélo qu’il va falloir aller chercher, ville par ville, département par département, région par région, c’est la pérennité des coronapistes. Plus important que les évènements sportifs ou touristiques, les pistes cyclables en bas de chez nous sont évidemment l’alpha & l’omega de la pratique du vélo - en Ile de France, l’enchainement grève + covid a fini de confirmer cet état de fait. Le combat, en revanche, est d’autant plus difficile que les ennemis et les alliés sont partout : les velotaffeurs tarés et filmeurs insultent des travailleurs en warning qui ne gènent personne et n’ont rien demandé dans des villes où des maires ont des politiques provélos à coup de panneaux M12 et de zone 30 (qui sont, à l’usage, de meilleurs alliés du vélo que des pistes aléatoires) et la ville suivante ? Les vélotaffeurs sont apaisés et on se fist bump face à des mairies qui peignent des pictogrammes de vélos en jaune dans des caniveaux de boulevards à 70km/h. Le FUB a déjà pris le combat à bras le corps et, au même titre que la FF Vélo sur le bikepacking, ce réseau associatif est celui qui permet de mettre en branle des plans qu’on ne peut pas pousser tout seul. Le lobbying vélo trouve aussi sa place dans l’idéologie stéréotypique “de droite” par… “le fric dingue”… qu’il peut générer : 1km de piste bien goudronné et sans rupture, c’est 10 000€ de TVA récupérés en un clin d’œil, ou presque ouais. De l’équipement, à l’entretien, de l’envie de prendre un meilleur vélo type formule 1 ou de le monter soi même au fur et à mesure de la récup, toute une économie de base s’installe et finit de convaincre les derniers du fond.
Qu’on aime l’aventure ultime, le sport, les watts ou juste pédaler : Tout part de la rue, d’une piste cyclable et d’un feu rouge qu’on peut griller tranquille grâce au panneau M12GFD, notre totem.
La rétro Sur Le Raidard
Vous devez le savoir mais j’suis un #VdBForever. Enfant, j’adorais son style baroque et romantique. Néo-bachelier, je me souviens de son “mauvais” pote Philippe Gaumont à son bar/karaoké quai Bélu dans le quartier St Leu amiénois car j’faisais mes études dans la ville : un mec entier et touchant, mort lui aussi beaucoup trop tôt. Plus récemment, je me souviens aussi du livre d’Olivier Haralambon où chaque ligne fait ressortir l’amour qu’on lui portait et surtout son “bon” pote Nico Mattan. J’ai, bien entendu, lu sa biographie officielle et familiale par Stijn Vanderhaeghe qui veut dresser, comme on l’espère d’une maman attristée et fière, un portrait moins torturé de notre VdB. Bon et j’avoue, aussi, j’follow sa fille ainée Cameron sur insta qui date l’Tim Merlier là.
Dans les chefs d’œuvre de la carrière de VdB, il y ce Gent-Wevelgem de 98. Il posera ce classique dans son palmarès 1 an après son futur “mauvais” pote et grâce à l’offrande de son éternel “bon” pote - Nico gagnera le Wevelgem de 2005. C’est bien entendu les derniers kilomètres qui sont haletants où, dans leur tunique Mapei, les 2 copains harcèlent moralement un valeureux danois de la TVM - Lars Michaelsen qui avait déjà gagné Wevelgem 95 et qui les aurait bouffé dans un sprint à 3. J’adore comment VdB s’agite sur la fin à faire des gestes cryptiques ou détendre une crampe au bras, je n’en sais rien, avant de cisailler le TVM une dernière fois, j’apprécie aussi les dernières vagues sacrificielles de Nico Mattan pour se certifier que le “taureau” danois ne soit plus en mesure de se battre. Ne ratez pas non plus les magnifiques Cannondale de la Saeco.
Les liens Sur Le Raidard
La Bordure a fait un doc sur le Poggio qui est forcément d’une beauté sans nom (merci d’ailleurs à The Sufferfest d’avoir acheté tous les docs de La Bordure pour illustrer les exos de récup/endu, c’est la meilleure base de donnée sur terre).
Roff Smith est, comme tellement de monde on dirait, cyclotouriste et reporter d’image pour National Geographic, il a produit une série d’autoportrait autour de chez lui reprenant les codes visuels de l’aventure lointaine créant ainsi un paradoxe espace-temps dans sa cambrousse. Viens à Rungis, frérot !
Pas tous les jours que vous pouvez découvrir les meilleurs vélocistes d’Abidjan, tout ça grâce à Ange Désiré à qui on envoie de la force pour tout ce qui est culture vélo en Côte d’Ivoire
On reste en Afrique de l’Ouest avec le Tour de Lunsar, et son improbable Team USA raflant tous les maillots distinctif Le Col, donnant des images et une fraicheur bienvenue à notre sport adoré